Stratégie

Interview du président-directeur général

Éric Trappier, Président-directeur général du Groupe Dassault Aviation © Dassault Aviation – V. Almansa

Qu’est-ce qui a marqué Dassault Aviation en 2018 ?

L’événement majeur pour nous, comme pour toute l’industrie aéronautique française, c’est la disparition de Serge Dassault, P.D.G. du Groupe industriel Marcel Dassault (GIMD), ancien P.D.G. de Dassault Aviation et fils de notre fondateur, Marcel Dassault. Malgré les bouleversements stratégiques et économiques de ces dernières décennies, Serge Dassault a renforcé les grands piliers qui font notre réussite : l’esprit familial, l’excellence technique, la bonne gestion, le modèle social hors du commun. Comme dirigeant ou comme actionnaire, il a toujours privilégié l’intérêt à long terme de Dassault Aviation. Sa passion de l’aéronautique, son patriotisme, sa ténacité, sa force de travail, sa vision de l’avenir resteront dans toutes les mémoires. Tous ensemble, avec le soutien de Charles Edelstenne, son successeur à la tête du GIMD, avec le soutien de la famille Dassault, nous avons à cœur de poursuivre l’oeuvre accomplie et de préparer le futur. Transformation de l’entreprise, Falcon 6X et Falcon de mission, standard F4 du Rafale, avion de combat de nouvelle génération, renforcement du soutien après-vente : tels sont nos principaux horizons pour les prochaines années.

Quels sont les faits majeurs pour vos activités militaires en 2018 et en ce début de 2019 ?

L’actualité est dense dans le domaine défense grâce à la dynamique Rafale Export enclenchée en 2015, grâce aussi à la nouvelle loi de programmation militaire française (20192025), qui nous concerne à plusieurs titres : Rafale, Mirage 2000, Falcon de mission, ATL2, drones, dissuasion nucléaire. Pour résumer, je retiendrai quatre avancées notables.

D’abord, la qualification du standard F3R du Rafale par les armées françaises, dans le respect des coûts et des délais prévus, suivie de la notification du contrat pour développer le standard F4 à l’horizon 2022-2024 ; il s’agit là de deux jalons importants dans le processus d’amélioration continue du Rafale en fonction des progrès technologiques et des retours d’expérience des opérationnels.

Ensuite, j’évoquerai l’avion de combat de nouvelle génération, projet franco-allemand stratégique pour lequel notre leadership a été reconnu ; les premières décisions politiques et industrielles ont été prises rapidement pour lancer cette coopération ambitieuse qui a encore de nombreuses étapes à franchir.

Je rappellerai également que nous avons continué à progresser à l’export avec l’entrée en vigueur du contrat de 12 Rafale supplémentaires pour le Qatar, client fidèle qui nous a commandé au total 36 Rafale, dont le premier a été livré en février 2019.

Enfin, nous avons mis au point de nouvelles offres de soutien pour les Rafale et ATL2 français en nous inscrivant pleinement dans la réforme du Maintien en condition opérationnelle (MCO) voulue par le ministère des Armées.

Et pour vos activités civiles ?

Pour les Falcon, la tendance est positive également. La reprise, lente mais réelle, des ventes Falcon s’est confirmée. Le développement du Falcon 6X se déroule conformément aux prévisions. Cet avion sera livrable en 2022. Il aura la cabine la plus spacieuse et la plus confortable de sa catégorie. Il sera équipé du nouveau moteur PW812D de Pratt & Whitney Canada, du système de vision combinée FalconEye et de notre nouvelle solution de connectivité intégrée FalconConnect.

Avec son autonomie de 10 200 km, le Falcon 6X viendra renforcer notre offre d’appareils à long rayon d’action, qui culmine avec le Falcon 8X. À cet égard, je rappelle qu’un Falcon 8X a effectué récemment un vol record de 14 heures entre Singapour et Londres.

Où en est votre plan de transformation ?

Transformer Dassault Aviation signifie pour nous faire face aux défis du futur et à l’évolution du monde qui nous entoure, tout en conservant l’ADN qui fait le succès de la Société depuis un siècle. Le plan Piloter notre avenir se déploie au rythme prévu sur les quatre axes stratégiques que nous avons définis : culture-compétences-organisations, outils numériques-process-innovations, outil industriel, pilotage des programmes. Je compte particulièrement sur nos investissements dans le domaine du numérique pour servir de levier à l’ensemble de notre transformation. C’est pourquoi nous avons signé, en mai dernier, un accord de coopération ambitieux avec Dassault Systèmes pour la mise en place de la plateforme d’ingénierie collaborative 3DExpérience. C’est pourquoi également nous accélérons dans le Big Data.

Vos investissements en Inde donnent-ils les résultats attendus ?

Dans le cadre de la politique gouvernementale du Make in India, la vente de 36 Rafale à l’Inde conclue en 2016 est assortie d’un contrat d’offsets représentant 50 % de la valeur du marché. De cette obligation contractuelle, nous faisons un partenariat stratégique avec des objectifs ambitieux : obtenir de nouvelles commandes Rafale, gagner de la compétitivité dans le domaine de l’aviation d’affaires, multiplier les projets dans la haute technologie. L’usine de la JV Dassault-Reliance Aerospace Ltd (DRAL) à Nagpur, dans le centre du pays, a produit ses premiers sous-ensembles Falcon 2000 fin 2018, comme prévu, et elle s’agrandit pour réaliser à terme l’assemblage complet du Falcon 2000 et sa mise en vol. Outre la JV (DRAL), Dassault Aviation assure de la production industrielle en Inde au travers d’un vaste réseau d’approvisionnement comprenant déjà des dizaines d’entreprises. Nous encourageons, dans les deux pays, les partenariats entre Supply Chain française et indienne. Nous avons créé un centre d’ingénierie civile et militaire à Pune, près de Mumbai. Nous étudions des programmes de R&D avec le ministère de la Défense indien. Bref, tout se déroule conformément à nos engagements, ce qui nous place en bonne position, malgré une forte pression concurrentielle, pour remporter les appels d’offres lancés par les forces indiennes pour un total de 167 nouveaux avions de combat, et ainsi prolonger le partenariat qui nous unit à l’Inde depuis soixante-cinq ans.

Quelles sont vos priorités pour l’avenir ?

Pour le Rafale, tout en poursuivant les prospections à l’export, nous développons le standard F4 et préparons le Rafale du futur. En ce qui concerne l’avion de combat de nouvelle génération, nous entamons l’étude de concept avec Airbus, et nous travaillons au lancement d’un démonstrateur destiné à voler vers 2025.

Dans le civil, nous comptons conforter nos ventes. Parallèlement au développement du 6X, nous étudions un Falcon futur. Enfin, nous voulons accroître encore l’efficacité du support après-vente, ce qui passe notamment par la consolidation de notre réseau de stations-service suite à l’acquisition des activités maintenance d’ExecuJet et de TAG Aviation.

Et naturellement, tout cela se fera dans le respect de notre modèle d’affaires dual et responsable qui nous a permis, au titre de l’exercice 2018, de répartir en trois parts quasi égales la participation et l’intéressement pour les salariés, les dividendes pour les actionnaires et les impôts pour l’État.

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