Mars 2023
Quel est le fait majeur de l’exercice 2022 pour votre entreprise ?
2022 restera comme une année record en termes de prises de commandes, avec le chiffre historique de 21 milliards d’euros. Ce montant correspond à 64 Falcon et 92 Rafale dont 80 pour les Émirats arabes unis, le plus important contrat jamais signé par Dassault Aviation. Notre carnet de commandes s’élève maintenant à 35 milliards d’euros, autre chiffre historique, avec un total de 251 avions : 87 Falcon et 164 Rafale. Ces données nous assurent une visibilité à dix ans, perspective aussi rare que prometteuse dans notre industrie. En 2023, nous produirons 35 Falcon et 15 Rafale. Ce dernier nombre peut sembler faible eu égard aux quantités évoquées ci-dessus : il ne faut pas oublier qu’il s’écoule au minimum trois ans entre l’entrée en vigueur d’un contrat et la livraison des premiers exemplaires, cycle de fabrication oblige. Les Rafale prévus en 2023-2025 sont majoritairement à destination de la France, en vertu d’une commande passée en 2009 et étalée dans le temps par décision étatique pour des raisons budgétaires. Au-delà, nous allons vers une cadence de trois avions par mois en production. Pour réussir cette montée en puissance, nous continuons à recruter de nouveaux collaborateurs, après les 1 560 personnes embauchées en 2022. Nous agissons aussi pour sécuriser notre écosystème industriel face aux conséquences de la guerre en Ukraine : les problématiques de l’énergie, des matières premières, des composants et de l’inflation touchent une supply chain déjà fragilisée par la crise covid.
Le Rafale a convaincu sept pays export en sept ans : comment expliquez-vous ce succès ?
C’est le moment du Rafale. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le total des commandes depuis le début du programme s’élève à 453 exemplaires, et même à 477 si on y ajoute les avions d’occasion pour la Grèce et la Croatie. Le taux d’exportation atteint 60 %, c’est-à-dire mieux que le Mirage 2000 (50 %) et pas très loin du Mirage F1 (66 %), appareil typique des ventes internationales de la guerre froide. Nous ne comptons pas nous arrêter en si bon chemin : nous sommes en discussion avec beaucoup de pays. Nous attendons également, pour fin 2023, une commande française de 42 exemplaires, dite tranche 5, prévue dans l’actuelle Loi de programmation militaire.
Le Rafale est un avion polyvalent, capable d’emporter 1,5 fois son poids à vide en carburant et armement, mais d’une taille et donc d’un coût très raisonnables ; un avion qui a fait ses preuves au combat ; un avion conçu pour opérer depuis la terre ou la mer ; un avion 100 % français, mais totalement interopérable avec les autres appareils occidentaux.
Et dans le domaine civil, quels sont vos enjeux ?
Côté aviation d’affaires, nous avons dû gérer les annulations russes, certaines difficultés en matière de support, et les problèmes de la supply chain. De ce fait, nos livraisons 2022 sont légèrement inférieures aux prévisions. En revanche, les ventes ont bien progressé, pour s’établir à 64 appareils, contre 51 en 2021. Le Falcon 6X doit être certifié et mis en service en 2023. Quant au Falcon 10X, notre futur vaisseau amiral, il a encore quelques années de développement devant lui. Ces deux avions nous rendent optimistes pour l’avenir. Ils répondent aux demandes de nos clients et séduiront de nouveaux prospects. Ils bénéficient de l’expérience de notre bureau d’études, de notre dualité civil-militaire et de notre avance en matière de numérique.
Parallèlement à ces enjeux commerciaux et industriels, nous poursuivons nos travaux pour atteindre le « net zéro » en 2050. Aérodynamique, matériaux, motorisation, aides à la navigation : nous cherchons l’optimisation dans tous les domaines. À court terme, la voie la plus prometteuse est celle des carburants alternatifs, les SAF (Sustainable Aviation Fuel), qui présentent des taux de réduction des émissions de carbone de l’ordre de 80 % à 90 % par rapport au kérosène. Tous les Falcon sont aujourd’hui certifiés pour utiliser des mélanges comprenant jusqu’à 50 % de SAF. Nous visons 100 % à l’horizon du Falcon 10X. L’aviation d’affaires est pionnière dans cette solution de décarbonation, car nos clients, essentiellement des entreprises, sont en mesure d’utiliser des SAF malgré leur surcoût.
Nous faisons tous ces efforts bien que notre industrie soit peu émettrice de CO2 : les émissions annuelles cumulées des 2 100 Falcon en service sont équivalentes aux émissions de 24 heures de flux mondial de streaming vidéo ! Mais nous devons prendre notre part de ce défi et nous ne doutons pas de le relever. L’aéronautique aime la complexité et sait la gérer. Étant soumise à des contraintes sans équivalent, elle est par nature une activité évolutive. Elle se réinvente en permanence depuis plus d’un siècle, se remet en question et s’en sort toujours par le haut, c’est-à-dire par le progrès technologique.
Enfin, nous menons à bien la modernisation de nos établissements pour préparer l’avenir, tout en renforçant notre ambition en matière de RSE et de sobriété énergétique.