RafaleRafale et Falcon 8X

Stratégie

Interview du président-directeur général

Eric Trappier

© Dassault Aviation – A. Boissaye

Quel bilan faites-vous de l’année 2017 ?

Rétrospectivement, 2017 aura été une année particulièrement dense au cours de laquelle nous avons été amenés à relever des défis majeurs qui vont engager l’avenir de l’entreprise :

– dans le domaine militaire, il faut se réjouir de la poursuite des succès du Rafale à l’export avec, le 7 décembre dernier, la levée par le Qatar de son option pour douze appareils supplémentaires et la signature d’un accord portant sur une nouvelle option pour 36 exemplaires de plus. À côté de cette concrétisation qui renforce la réussite commerciale de notre avion, des discussions se sont poursuivies avec un certain nombre de pays ;

– parallèlement, à l’export, 2017 a vu pour le Rafale la poursuite des travaux du standard F3- R. Une phase d’étude préparatoire au développement du standard F4 a également été lancée. Ce nouveau standard, dont la notification est prévue fin 2018, viendra conforter le programme Rafale en lui apportant les capacités nouvelles qui lui permettront de rester au plus haut niveau technologique et opérationnel durant la prochaine décennie. Par ailleurs, la loi de programmation militaire présentée au Parlement français prévoit la reprise, en 2022, des livraisons de Rafale pour l’armée de l’Air, ainsi que la commande, en 2023, d’une nouvelle tranche de 30 avions, lesquelles viendront s’ajouter aux 180 déjà commandés par notre pays ;

– dans le domaine civil, en octobre 2017, Safran a rencontré de nouveaux problèmes sur le compresseur haute pression de son réacteur Silvercrest et nous a déclaré ne pas être en mesure de respecter les engagements pris en 2016. J’ai donc décidé de mettre fin au programme Falcon 5X. Afin de répondre aux attentes toujours exprimées par le marché pour un appareil long range et large cabine, j’ai annoncé le lancement du Falcon 6X, doté des réacteurs Pratt & Whitney PW812D. Le 6X affichera le même diamètre de fuselage que le 5X, et par conséquent, la cabine la plus spacieuse et confortable de tous les avions de sa catégorie. Son autonomie sera un peu supérieure (10 186 km). Il sera livrable en 2022 pour un prix équivalent à celui du 5X. Il est important de noter que ce nouveau programme s’ajoute à celui que nous avons mis en place, début 2017, pour développer un Falcon futur sur lequel nous sommes pour l’instant discrets, mais qui marquera un saut de génération dans l’aviation d’affaires. Les travaux de conception ont commencé. Nous procédons à la validation de certaines briques technologiques et au lancement des investissements nécessaires ;

– en termes d’activités commerciales, nous avons assisté, en 2017, à une reprise des ventes d’avions d’occasion et à une légère inflexion positive des ventes d’avions neufs au dernier trimestre.

Les projets que vous évoquez concernent-ils aussi ce que vous appelez les Falcon de missions ?

Oui, tout nouveau Falcon est un Falcon de missions en puissance. Leurs qualités de vol, leur formule aérodynamique et leur polyvalence rendent nos avions capables d’évoluer au- delà des normes civiles. Ils sont conçus par le même bureau d’études qui développe les appareils de combat Mirage, Rafale et nEUROn. Depuis 50 ans, Dassault Aviation a modifié de nombreux Falcon pour les adapter à l’évacuation sanitaire, au transport cargo, à la calibration, au renseignement, à la surveillance maritime, etc. Ces appareils multirôles représentent environ 10 % de la flotte Falcon en service dans le monde. En ce moment, nous produisons des Falcon 2000 de surveillance maritime pour les gardes- côtes japonais et nous nous préparons à fournir à la Marine française un nouveau Falcon de surveillance et d’intervention maritime. Nous venons également de remporter l’appel d’offres du Gouvernement français pour une nouvelle génération d’avion d’écoute électromagnétique : le Falcon CUGE (Capacité universelle de guerre électronique). Ce type d’appareil nécessite un travail d’intégration très poussé qui est au coeur des savoir- faire de Dassault Aviation, de son rôle d’architecte industriel et de son partenariat avec Thales.

À ce propos, nous nous réjouissons de la performance de Thales, qui contribue à nos résultats, et de sa croissance, que nous accompagnons comme actionnaire industriel de référence. À ce titre, l’opération « Gémalto » est un beau mouvement de croissance externe qui place Thales en position de leader dans le domaine des technologies de la cybersécurité.

En ce qui concerne les avions de combat, comment conjuguez-vous les enjeux technologiques et les logiques politiques pour préparer le futur ?

Nous avons quelques principes simples. Nous sommes d’abord au service de la France et de ses armées. Ensuite, nous pouvons coopérer avec nos voisins européens dans le cadre de projets soutenus par une volonté politique et dès lors que les programmes sont pragmatiques et fondés sur les compétences. Par ailleurs, nous considérons que l’Europe doit privilégier ses industriels et leurs technologies si elle veut conserver sa souveraineté opérationnelle. Enfin, nous apportons à nos clients export la possibilité d’utiliser les meilleurs matériels en toute autonomie, avec les accords et autorisations du Gouvernement français. Notre préparation de l’avenir illustre ces principes. En 2018, comme je l’ai dit plus haut, nous commençons à travailler sur le futur standard F4 du Rafale, qui succédera, vers 2025, au standard F3- R actuellement en cours d’achèvement. Nous commençons également à superviser le plan Man- Machine Teaming pour mobiliser l’écosystème français de l’intelligence artificielle en faveur des armées. Nous poursuivons les essais du démonstrateur européen de drone de combat nEUROn, dont nous assumons la maîtrise d’oeuvre et qui préfigure un élément du futur système de combat aérien. Nous sommes parallèlement engagés avec Airbus et Leonardo dans une étude de drone MALE européen. Enfin, en réponse aux attentes exprimées par les plus hautes autorités françaises et allemandes lors du sommet du 13 juillet 2017, nous entamons avec Airbus Defence & Space Allemagne des réflexions visant à définir une feuille de route pour l’aéronautique de combat à l’horizon 2040. Au regard de notre savoir- faire, des compétences accumulées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et du succès des Mirage, Rafale et nEUROn, nous sommes légitimes pour piloter cette coopération stratégique pour la France et pour l’Europe.

2018 est donc une année de préparation et de lancement de grands programmes d’avenir, tant civils que militaires. Tous ces projets doivent répondre à une exigence fondamentale en aéronautique et en défense : la performance. Celle qui garantit la sécurité et le confort de nos avions d’affaires. Celle qui assure la supériorité et la fiabilité de nos avions d’armes. Celle qui fait la compétitivité économique de notre outil industriel, renforcée par le plan de transformation lancé en 2016. Celle que Dassault Aviation peut offrir grâce à son expérience inégalée d’architecte industriel et d’intégrateur des systèmes les plus complexes.